Une autre vie.


Elle cherche sa place et essaie de s’y tenir le mieux possible.

Jeudi 23 octobre 1986, j’ouvre la porte sur une autre Vie, je découvre un soleil qui m’éclaire. Il y a Thérèse, Daniel et Nicolas. Je repars avec le livre "Al-Anon un jour à la fois" et un numéro de téléphone.
J’attendais sans le savoir ce moment depuis toujours. Un espoir fabuleux de pouvoir enfin continuer à vivre parmi mes 3 petits enfants.
Je m’accroche car je n’ai que ça ou la mort. Mon essentiel: Jérémie 6 ans, Sébastien 4 ans et demie et Coralie 18 mois. Je viens en réunion coûte que coûte, je lis mon livre en cachette, j’appelle peu de l’extérieur dés que je peux. Je n’ai qu’un but vivre et donner de la joie à mes enfants, à ma famille. C’est très dur, je vis un jour, une heure à la fois. La terreur est mon quotidien, je lutte pour survivre et j’essaie d’inverser la tendance. Chaque soir, je trouve du positif dans ma journée et ça marche, j’en trouve de plus en plus.
Pendant la cure de mon mari, je revis un peu mais à l’approche de son retour, je suis encore plus terrifiée qu’avant son départ. Cependant l’espoir commence à m’habiter et avec le temps…
Mais assez vite, l’espoir disparaît; l’incompréhension et l’inconnu deviennent mon quotidien. Comment est-ce possible? Il ne boit plus. La violence est revenue et avec elle la terreur et la pression.
Mais je m’accroche et j’avance tout de même. Déménagement, ouverture sur le monde, les autres et participation à diverses associations, boulimies d’activités, reprise d’études, université, concours et enfin profession. J’existe professionnellement, je ne suis plus dépendante financièrement de mon mari.
Dans mon couple, ça ne s’arrange pas. Il y a moins de violence, mais pas ou peu de communication, pas de possibilités de construction d’une relation saine basée sur la confiance et le respect et tout ça sans alcool. Mes enfants ont grandi, ils sont adolescents, je dois faire face maintenant à la violence de mon fils aîné. La vie me semble toujours aussi dure. Après 10 ans d’Al-Anon, j’ai l’impression d’en être au même point. J’ai toujours besoin de lutter pour trouver la force de continuer à vivre.
Mon couple va mal, un espoir apparaît, mon mari a décidé de fréquenter les A.A., de prendre du service au sein de son groupe, les choses vont s’arranger, j’en suis sûre, un peu de patience. La communication, la confiance ne viennent pas. Je vis des moments très difficiles. Je développe une relation avec une Puissance Supérieure à moi-même au quotidien et de façon bien plus intense qu’auparavant.
Cinq ans plus tard, tout me porte à décider qu’il me faut quitter mon mari si je veux vivre. Je demande le divorce, mes grands enfants viennent habiter avec moi. Je m’accroche, j’avance pas après pas dans une nouvelle vie.
Je me découvre des capacités insoupçonnées, je découvre ce que veut dire vivre, c’est simple, léger, même si tout n’est pas rose. Certaines peurs me quittent, je me sens presque libre.
Aujourd’hui, c’est un jour très important pour moi, un anniversaire, 17 ans de présence en Al-Anon, 17 ans de mise en pratique du programme. Al-Anon m’a tout donné; la vie d’abord, la santé, être parmi mes 3 enfants plus présente que jamais, pouvoir concrétiser une vocation professionnellement mais avant tout la foi et la confiance en une Puissance Supérieure à moi-même telle que je la conçois, un Dieu d’amour tel que je le conçois sans lequel je ne suis rien. Je poursuis mon chemin à mon rythme en ligne droite. Mon cœur est rempli de gratitude pour tout ce qu-Al-Anon m’a permis de découvrir en moi et ce n’est qu’un début. Je remercie les nombreux amis qui ont fait partie de mon parcours et qui m’ont accompagnée, soutenue, aimée. A l’heure actuelle, je vis seule, une solitude heureuse et sereine, remplie de joies, petites et grandes, de moments de tristesse, de souffrance aussi.
J’ai enfin décidé que je suis la personne la plus importante et que je suis digne de l’amour de ma Puissance Supérieure. La peur de souffrir m’a quittée, mais pas la souffrance. J'essaie de chercher quelle place je dois occuper et de m’y tenir le mieux possible. De ce fait, dans la sérénité, je suis bien déterminée à m’occuper de ma vie, de mes besoins, de mes désirs. J’ai décidé de vraiment lâcher prise devant la vie de mes enfants tous majeurs. Je les laisse gérer leur vie et assumer les conséquences de leur choix.
En conclusion, je dirais qu’aujourd’hui je me sens pleine de Vie, remplie d’une présence vivante, disponible au monde.
le 25/10/2003


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