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C'est en mai dernier...
Bonjour à tous les membres d'Arc-en-ciel Al-Anon
C'est en mai dernier que j'ai découvert l'existence d'Al-Anon, parce que j'ai, un soir, osé parler à une nouvelle amie, qui m'a mise en relation avec une membre d'Al-Anon. Etant à l'étranger, dans un quasi-anonymat, c'était plus facile de me confier et j'ai, par téléphone, appris les premières notions d'un mode de comportement qui contrastait totalement avec ma manière de réagir.
En effet, il y a plus de huit ans que j'ai remarqué que mon conjoint avait un problème d'alcool. Je lui ai dit que cette situation ne me convenait pas. J'étais satisfaite de m'être exprimée de façon neutre, sans jugement et j'ai pensé qu'il allait faire quelque chose, lui qui est logique, maîtrise bien sa vie professionnel. Des mois plus tard, comme rien ne changeait de son côté, je me suis confiée au médecin de famille, qui m'a annoncé qu'il était alcoologue, et m'a suggéré: "demandez-lui de ne pas boire pendant trois jours, et vous verrez, il le fera par amour pour vous". Je lui ai exprimé cette demande, comme émanant de moi... et n'ai jamais eu de suites positives. Il ne se voyait pas malade. Peu à peu le problème s'est accentué. Les périodes de séparation pour raisons professionnelles permettaient de faire des coupures salutaires et en même temps à chaque retour, je constatais une aggravation. J'ai pensé aussi que la solitude y était pour beaucoup et espéré que pendant les longues périodes de vie commune, il éprouverait moins le besoin de s'alcooliser. J'ai aussi pensé qu'il buvait à cause de moi, parce que je m'étais remise aux études et que j'étais peu disponible. Ensuite il a eu une liaison à l'étranger qui m'a catastrophée lorsque j'ai découvert un tas de sacs de noeuds y compris à la banque... l'horreur totale, une dépression grave pendant des mois. Après ce trou noir, où j'ai été seule à me faire soigner, le climat s'est peu à peu dégradé entre nous par rancoeur, un gros passif difficile à pardonner et l'alcool en plus, le tout interagissant: scènes quasi quotidiennes, soirées gâchées, peur à l'idée d'une invitation tant à la maison qu'à l'extérieur, peur qu'il ait à prendre la voiture le soir si je n'étais pas là. Je devenais un gendarme à la recherche des cachettes, marquant les bouteilles, faisant des incursions à la cuisine, guêtant le bruit des portes du placard et lui, m'envoyant ici ou là au moment où il voulait être tranquille pour se verser un verre ou plus... Une vie de cercle vicieux infernal... Un repli sur nous parce que je ne voulais plus d'invités, plus sortir et que si je m'absentais je redoutais le retour le soir.
J'ai suivi toutes les émissions radio ou télé sur le sujet et sur toutes les adddictions, tant qu'à faire, il y a des points communs... mais rarement le point de vue de la famille était mis en avant... comme s'il fallait s'en arranger en silence et seul... Parce que dans ces cas-là, on a honte, on a peur de casser l'image de son couple, celle de son partenaire... on fait semblant de devenir associable par goût et on coupe les ponts ou se crée une façade, ce qui est tout sauf ma personnalité vraie. J'ai eu des loisirs seule, puisque lui ne souhaitait pas sortir, jusqu'au jour où la coupe a débordé et que je me suis confiée aux vrais et vieux amis; eux aussi trouvent des consolations logiques, mais qui, je le sais, n'ont rien à voir avec la logique de la maladie... non, mon malade ne cessera pas de boire parce que son fils réussit ses études, ni parce que lui-même a obtenu une mission professionnelle dans une ville de rêve... Le malade a, pour ses raisons intimes, un mal-être, auxquelles on n'a pas accès...
Je devrais toujours dire "je"... mais là, je crois qu'il s'agit d'une généralité.
Pour ma part, j'ai connu la colère qui mange l'énergie, qui use, et aussi l'obsession, la routine des reproches, j'ai eu et ai parfois des pensées négatives que je projette mentalement sur mon partenaire "c'est un faible, au fond du fond, un pauvre type, il boit parce qu'il n'est pas capable de se prendre en main, de changer... il boit par gourmandise" etc...
"'Je vais le quitter... mais ce serait actuellement un abandon de personne en danger, de la lâcheté... oui mais, sauve-toi, Tamara, il va t'entraîner dans sa chute et tu vas finir par entrer en dépression".
A l'heure où je vous raconte cela, je suis en vacances de mon malade... depuis le 18 septembre parce qu'il est parti pour sa dernière mission pro et que je suis bien contente d'avoir eu mille bonnes raisons matérielles et autres de rester à la maison et que j'ai pu souffler, vivre à mon rythme, être égoïste, à fond, inviter des amis l'esprit libre et être moi-même avec eux... et j'en ai profité pour taper "Al-Anon " dans le moteur de recherche et m'y connecter quand je voulais, sans qu'on me dise "tu es encore sur internet"... et que toujours je le rassure en racontant ce que j'y fais, parce que je suppose parfois aussi qu'il boit parce que je suis mieux dans mes baskets que lui, qu'il craint que je le quitte (cela finit pas ne pas être si faux que cela... après toutes ces années... le serpent se mord la queue, on s'enferre) et qu'il est jaloux sans penser que j'ai depuis des années fait un tas de démarches pour évoluer, mieux vivre, mieux profiter de la vie et agir davantage.
Il s'alcoolise souvent fort quand je suis absente, bien qu'il sache toujours l'heure de mon retour, la nature de mon déplacement et que j'ai fait en sorte de le rassurer sur mes fréquentations, spontanément...
Maintenant, je mets une échéance parce que je me donne encore 20 années de vie pleine, alors je ne vais pas me laisser dévorer par l' alcoolisme d'un autre, auquel je ne peux ni ne dois donner de justification "ce n'est pas mon problème" et en plus notre fils et ma belle-mère m'en laissent la charge ! J'accepte d'avoir à le quitter s'il n'entreprend rien. J'ai suivi la semaine dernière, la suggestion d'un ami Al Anon, de lui donner, à un moment favorable, l'information qu'il existe des groupes AA par internet (mon mari déteste les groupes et a toujours dit qu'il s'en sortirait tout seul). La bouteille (c'est vraiment le cas de le dire, ne perdons pas notre humour) est jetée à la mer... va-elle s'échouer sur un beau rivage ou se briser sur un récif ?
Si je peux donner aux autres, prendre et laisser ce qui ne me convient pas chez Al-Anon, tant mieux. Je ne demande qu'à progresser et tout n'est pas encore joué du scénario que je forme présentement, sinon il n'y aurait aucun sens à poursuivre.
Jeudi, après un mois de séparation, je rejoins mon mari, déjà avec le projet de m'efforcer de taire toute envie de reproche, de garder le silence si le risque d'un conflit se profile... et aussi de participer comme observatrice, à une réunon en face-à-face dans la ville.
Merci de m'avoir lue. J'ai beaucoup de chance d'avoir fait connaissance avec Al-Anon: il n 'est jamais trop tard.
Vivre et laisser vivre. (j'ai peur de mal interpréter ...!!!)
Sincèrement
ce 16 octobre 2006, une Belge, quelque part en France
Sincèrement,
Tamara
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